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La France se dote d’un dispositif légal de lutte contre la corruption conforme aux standards internationaux
February 18, 2016
By
Philippe Bouchez El Ghozi
« La transparence de la vie économique est un facteur d'efficacité, une nécessité pour notre image internationale, mais aussi le gage d'une démocratie qui fonctionne.
En matière de lutte contre la corruption, la France ne saurait se satisfaire de l'existant. Elle doit saisir l'opportunité de se doter d'outils innovants permettant de détecter, de prévenir et de sanctionner efficacement la corruption et les atteintes à la probité.
Ces mesures répondront aux aspirations de nos concitoyens quant à la transparence, à l'éthique et à la justice en matière économique ».
Ces propos prononcés par Michel Sapin, à l’occasion de sa communication en conseil des ministres le 23 juillet 2015, annonçaient le projet de loi pour la transparence et la modernisation de la vie économique (dite « loi Sapin II »). Ils font également écho aux Lignes directrices françaises visant à renforcer la lutte contre la corruption dans les transactions commerciales publiées par le Service Central de Prévention de la Corruption au mois de mars 2015.
Inspiré par les standards internationaux et, en particulier, par le UK Bribery Act, ce projet de loi - qui doit être débattu à l’Assemblée Nationale en ce début d’année 2016 - est porteur d’importantes évolutions en matière de prévention et de répression de la corruption. Le texte prévoit notamment la création d’une Agence nationale de prévention et de détection de la corruption (i), l’instauration d’une obligation de prévention contre les risques (ii) ainsi que la création d’une peine complémentaire de mise en conformité (iii).
1. L’Agence nationale de prévention et de détection de la corruption (« l’Agence ») créée devrait se voir confier plusieurs missions. La première d’entre elles, d’ordre général, résidera dans l’établissement d’une cartographie des risques, dans la définition d’un plan pluriannuel de lutte contre la corruption et dans un rôle de soutien des lanceurs d’alerte. La deuxième mission qui lui sera dévolue concernera les acteurs publics. L’Agence sera ainsi chargée de donner son avis sur l’intégrité des cocontractants des personnes publiques et de produire des lignes directrices relatives à la prévention de la corruption au sein des institutions publiques. La troisième mission confiée à cette Agence visera les acteurs économiques. Elle émettra des lignes directrices à leur attention, contrôlera leur respect, appréciera la validité des programmes mis en œuvre.
Pour l’exercice de ces missions, l’Agence devrait se voir confier des pouvoirs étendus (entendre toute personne, se faire communiquer tout document, procéder à des vérifications sur place, notamment) ainsi qu’un pouvoir de sanction. L’Agence se verra également dotée du pouvoir de conclure des accords transactionnels avec les sociétés mises en cause, discutés avec le Parquet, sous le contrôle du juge.
2. Le projet de loi Sapin II crée une nouvelle obligation de prévention contre les risques de corruption qui devrait s’imposer (i) aux sociétés de plus de 500 salariés et (ii) aux sociétés appartenant à un groupe employant au moins 500 salariés et dont le chiffre d’affaires serait supérieur à 100 millions d’euros, ainsi qu’à leurs dirigeants. Les sociétés concernées devront prendre des mesures effectives de lutte contre la corruption:
l’adoption d’un code de conduite expliquant les comportements prohibés ;
la mise en œuvre d’un dispositif d’alerte interne ;
l’établissement d’une cartographie des risques ;
la mise en œuvre d’une procédure de vérification de l’intégrité des partenaires (clients, fournisseurs, intermédiaires) ;
la réalisation de contrôles comptables ;
la formation des cadres et des personnels exposés ; et
la mise en place de sanctions disciplinaires
En cas de manquement par les sociétés concernées, l’Agence pourra mettre en demeure, voire prononcer des injonctions de mise en conformité ainsi que des sanctions (jusqu’à 200.000 euros pour les personnes physiques et 1.000.000 euros pour les personnes morales, assorties d’une éventuelle publication de la sanction).
3. Le projet de loi Sapin II créé un nouvel article 131-39-1, inséré au Code pénal, prévoyant une peine complémentaire de mise en conformité. Il s’agira, pour une durée de trois ans au plus, de mettre en œuvre, sous le contrôle de l’Agence, un programme de conformité aux frais de la personne condamnée. Cette peine complémentaire serait susceptible d’être prononcée en cas de condamnation pour des faits de corruption ou de trafic d’influence. Et l’inexécution de cette mise en conformité sera, elle-même, érigée en délit sanctionné par une peine d’emprisonnement de deux ans, 400.000 euros d’amende pour les personnes physiques, portée à 2 millions d’euros pour les personnes morales.
Surtout, le projet de loi devrait instaurer la prise en compte, dans l’appréciation de la peine en cas de faits de corruption avérés, de l’existence d’un plan de prévention et de détection de la corruption.
Les obligations que ce projet de loi envisage de mettre à la charge des entreprises sont donc très lourdes et imposent aux sociétés concernées ainsi qu’à leurs dirigeants d’anticiper, dès à présent, leur mise en œuvre.
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